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La vie sans FC Nantes, c’est comment ? – Episode 2

3 questions à M. Philippe Briand, Professeur de droit privé à la Faculté de droit de Nantes

Les abonnés privés des 5 derniers matchs à domicile peuvent-ils prétendre au remboursement d’une partie de leur abonnement ?

Les abonnés ont payé pour assister à 19 matchs. L’interdiction faite aux clubs de recevoir du public avant la fin de la saison place les abonnés dans l’impossibilité de jouir d’un droit dont ils avaient par avance acquitté le prix. On peut comprendre qu’ils soient tentés de demander le remboursement d’une partie de leur paiement. On observera que le club ne commet ici aucune faute. S’il n’exécute pas ses obligations envers les abonnés, c’est en raison d’une interdiction administrative qui s’impose à lui. Juridiquement, l’empêchement relève de la force majeure. Il faut alors raisonner en deux temps :

    – D’abord, s’en remettre aux clauses du contrat qui régit la relation entre le club et ses abonnés, à savoir – sous réserve qu’elles aient été acceptées par l’abonné – les conditions générales de vente. Très souvent, les conditions générales de vente font supporter au client la charge des conséquences de la force majeure.
    – Ce n’est que si les CGV ne prévoient rien qu’on se reportera aux dispositions du Code civil. La règle est alors que l’empêchement résultant de la force majeure libère les parties de leurs obligations. L’organisateur est libéré de son obligation de fournir le spectacle promis tandis que le spectateur est libéré de son obligation de paiement. Il en résulte que s’il a payé par avance, il peut logiquement demander à être remboursé de son paiement au prorata des matchs annulés.

Le club pourrait-il s’opposer au remboursement en prétextant des difficultés financières importantes ?

Les pertes subies par les clubs à la suite de l’annulation des matchs sont considérables. Certains clubs se trouvent dans l’incapacité financière de rembourser leurs abonnés. C’est la raison pour laquelle plusieurs d’entre eux en appellent à la solidarité de leurs supporters et demandent à ceux qui le peuvent de renoncer à leur droit au remboursement. Mais ils ne peuvent pas les y contraindre.
En droit, les difficultés financières ne sont pas une circonstance libératoire pour le débiteur. On conçoit mal qu’un débiteur puisse être matériellement empêché de payer ce qu’il doit. La Cour de cassation a d’ailleurs eu l’occasion de rappeler que le débiteur d’une obligation contractuelle de somme d’argent ne peut s’exonérer de cette obligation en invoquant un cas de force majeure.
Certes, on observe, dans la jurisprudence, quelques cas dans lesquels un juge a considéré qu’un paiement pouvait être empêché par la force majeure mais ce n’est guère imaginable lorsque les sommes sont dues à titre de remboursement d’un encaissement injustifié.

Un club pourrait-il se contenter d’accorder un avoir sur l’abonnement à la saison prochaine ?

A supposer que le remboursement partiel du prix des abonnements soit dû, l’une des manières d’atténuer les difficultés de trésorerie que connaissent les clubs est de compenser, à due concurrence, le prix à percevoir sur l’abonnement de la saison prochaine avec le montant des sommes à rembourser au titre de la saison qui s’achève. Encore faut-il que cet aménagement soit convenu entre les parties. Si le mécanisme de report du prix sur un autre match peut être prévu par les conditions générales de vente en cas d’annulation d’un match isolé, il est beaucoup plus délicat de l’envisager pour un abonnement. On ne peut en effet imposer à quiconque de se réabonner à la saison suivante. Le mécanisme ne peut alors fonctionner que sur la base du volontariat.
Le gouvernement n’a pas prévu de solution semblable à celle qui fut mise en place par l’ordonnance n° 2020-315 du 25 mars 2020, au profit des organisateurs de voyages et de séjours annulés en raison de la crise sanitaire. Ce texte prévoit expressément la possibilité pour l’organisateur ou le détaillant de proposer, à la place du remboursement des paiements effectués, un avoir valable pendant une durée de dix-huit mois. Ce n’est qu’à défaut de souscription d’une nouvelle prestation que le remboursement sera dû. A l’évidence, les agences de voyages ont su, mieux que les clubs de football, attendrir nos gouvernants.

Edit interview du 21 mai 2020 suite à l’ordonnance du 7 mai 2020

L’ordonnance n° 2020-538 du 7 mai 2020 relative aux conditions financières de résolution de certains contrats en cas de force majeure dans les secteurs de la culture et du sport rend partiellement caduque l’analyse exposée précédemment. En effet, le gouvernement vient de mettre en place, au profit des titulaires de droits d’accès à des manifestations sportives annulées depuis le 12 mars 2020, une procédure très proche de celle qui avait été imaginée en cas d’annulation de voyages (évoquée à la question n°3).

L’ordonnance prévoit que les contrats de vente de billets ainsi que les contrats d’abonnement concernant des manifestations sportives annulées peuvent être résolus. Il suffit de notifier cette résolution avant le 15 septembre 2020. Dans ce cas, l’organisateur de la manifestation sportive a la possibilité de proposer un avoir, en lieu et place du remboursement de toute somme versée au titre des matchs annulés. Lorsque un avoir est ainsi proposé, le client en est informé au plus tard 30 jours après la résolution du contrat. L’information qui lui est donnée précise le montant de l’avoir ainsi que les conditions de délai et de durée de validité. L’exploitant dispose alors d’un délai de 3 mois (à compter de la date de notification de la résolution) pour proposer une nouvelle prestation (de même nature, de même catégorie, et au même prix) permettant l’utilisation de l’avoir. La proposition précise la durée pendant laquelle le client peut l’accepter. Cette durée ne peut être supérieure à dix-huit mois à compter de la réception de la proposition. Par exemple, si l’avoir correspond au remboursement à un abonné des 5 derniers matchs de la saison achevée, son montant pourra s’imputer sur les sommes à verser au titre de l’abonnement à la saison prochaine. Si le client n’accepte pas la proposition qui lui est faite, le club devra lui rembourser l’intégralité des paiements effectués au titre des matchs annulés.